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Probiotiques : bienfaits, souches et sources alimentaires

Probiotiques : bienfaits, souches et sources alimentaires
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Ils sont partout : dans les yaourts, les gélules, les boissons fermentées… et même dans les discours santé les plus enthousiastes. Pourtant, les probiotiques ne sont pas des remèdes magiques. Ce sont avant tout des micro-organismes vivants, dont les effets dépendent étroitement de leur souche, de leur dosage et du contexte dans lequel ils sont utilisés. Pour comprendre ce qu’on leur attribue, et surtout, ce qu’on ne peut pas leur attribuer, il faut revenir aux bases.

Qu’est-ce qu’un probiotique, au juste ?

La définition qui fait foi est celle de la FAO/OMS (2001), toujours utilisée dans les publications scientifiques les plus récentes : un probiotique est un micro-organisme vivant qui, lorsqu’il est administré en quantité adéquate, confère un effet bénéfique sur la santé de l’hôte.

Mais attention, toutes les bactéries ne sont pas des probiotiques. Pour être qualifiée comme telle, une souche doit répondre à plusieurs critères : être parfaitement identifiée, sans danger pour la santé, stabilisée industriellement, et surtout, évaluée cliniquement de manière spécifique. On ne peut donc pas parler « des » probiotiques au sens large : chaque souche a ses propriétés, et toutes ne se valent pas.

Les souches les plus utilisées (et étudiées)

Dans les compléments alimentaires à base de probiotiques, on retrouve généralement des lactobacilles (Lactobacillus) et des bifidobactéries (Bifidobacterium). Ce sont les genres les plus documentés. Certaines souches sont devenues presque emblématiques :

  • Lactobacillus rhamnosus GG est l’une des mieux étudiées à ce jour. Dans une méta-analyse (Allen et al., 2010), elle aurait montré une efficacité dans la réduction de la diarrhée aiguë chez les enfants traités par antibiotiques.
  • Bifidobacterium longum 35624 est fréquemment cité pour ses effets possibles sur l’inconfort digestif, notamment dans le syndrome de l’intestin irritable (Whorwell et al., 2006).
  • Saccharomyces boulardii, une levure non pathogène, est souvent évoquée pour son potentiel dans la prévention des diarrhées liées aux traitements antibiotiques, en particulier celles associées à Clostridioides difficile (McFarland, 2010). Elle aurait un fonctionnement un peu différent des bactéries : elle ne coloniserait pas l’intestin, mais agirait ponctuellement, puis est éliminée.
  • Plus récemment, des souches comme Bacillus coagulans (forme sporulée et thermostable) ont été proposées, notamment pour les ballonnements ou la digestion difficile. Les preuves sont en cours d’évaluation, et varient selon les formulations.

Important : ces souches ne sont pas interchangeables. Le nom complet (genre, espèce, souche) est essentiel pour identifier le produit, au même titre qu’un médicament. Un Lactobacillus acidophilus DDS-1 n’est pas forcément étudié pour les mêmes effets potentiels qu’un Lactobacillus acidophilus NCFM.

Où les trouve-t-on naturellement ?

Avant d’atterrir dans les compléments alimentaires, les probiotiques sont d’abord des micro-organismes naturellement présents dans les aliments fermentés. Voici les principales sources, avec quelques nuances :

  • Les yaourts et les laits fermentés (type kéfir) contiennent naturellement des lactobacilles et parfois des bifidobactéries. Mais leur concentration et leur survie jusqu’au côlon sont très variables, et dépendent du type de produit et de sa conservation.
  • La choucroute crue, le kimchi, le miso, le tempeh ou encore le kombucha apportent aussi des bactéries fermentaires, parfois très intéressantes. Cependant, les souches ne sont pas toujours caractérisées, ni présentes en quantité suffisante pour garantir un effet documenté.
  • Les compléments alimentaires, sous forme de gélules, sachets ou huiles, permettent un dosage précis (exprimé en UFC : Unités Formant Colonies), et une meilleure stabilité. C’est d’ailleurs le seul moyen d’assurer une administration de souches spécifiques à un niveau cliniquement pertinent (généralement ≥10⁹ UFC/jour).

Les bienfaits des probiotiques sur la santé

Les probiotiques, on leur prête mille vertus. Mais quand on se penche sur ce que les études sérieuses permettent réellement d’observer, le tableau se précise et se restreint.

Probiotiques et santé digestive : un lien bien documenté

C’est le domaine le plus étudié, et de loin. Plusieurs méta-analyses indiquent que certaines souches probiotiques pourraient réduire la durée de la diarrhée aiguë ou atténuer certains symptômes digestifs fonctionnels, mais toujours dans un cadre expérimental strict et pour des populations précises.

  • La Cochrane Review de 2023 (Allen et al.) a analysé 28 essais cliniques randomisés sur la diarrhée aiguë : une supplémentation probiotique aurait réduit en moyenne de 24 heures la durée des symptômes, avec une baisse du risque de diarrhée persistante (RR 0,60). Les souches les plus souvent impliquées ? L. rhamnosus GG et S. boulardii, chez l’enfant.
  • Pour le syndrome de l’intestin irritable (SII), une méta-analyse de 2023 (Khalesi et al.) portant sur plus de 3 000 participants suggère que certains probiotiques (dont B. longum 35624) pourraient atténuer la douleur abdominale et les ballonnements.
  • Dans les cas de constipation fonctionnelle, des essais chez l’enfant ont observé une possible amélioration de la fréquence des selles et de la distension abdominale après 4 semaines de Bacillus coagulans Unique IS2 (Rao et al., 2019).

Il faut toutefois rappeler que ces effets sont conditionnés par la dose (souvent ≥10⁹ UFC/jour), la durée (au moins 4 semaines), et la souche utilisée. Ce n’est pas le produit qui agit, c’est la combinaison spécifique souche/dose/contexte.

Une modulation possible de l’immunité

Les effets des probiotiques sur le système immunitaire restent une piste exploratoire, avec des résultats variables selon les études.

  • Certaines souches, comme Lactobacillus plantarum ou Bifidobacterium longum, ont été associées à une possible diminution de marqueurs inflammatoires (IL-6, TNF-α) dans des essais randomisés contrôlés (Ma et al., 2023 ; Lee et al., 2022).
  • Des augmentations d’IgA salivaires (anticorps de première ligne) ont également été observées après supplémentation chez des volontaires sains (Ebisawa et al., 2018).
  • Chez des athlètes soumis à un stress physique intense, une supplémentation en B. longum 35624 aurait amélioré certains paramètres de récupération et diminué les infections ORL dans une étude pilote (Jäger et al., 2018).

Il n’est donc pas possible d’affirmer que les probiotiques “renforcent l’immunité, mais certaines souches pourraient jouer un rôle modulateur sur l’équilibre immunitaire, dans un contexte défini.

Restaurer un équilibre microbien : une piste crédible

Le rôle des probiotiques dans l’équilibre du microbiote intestinal a fait l’objet de nombreuses recherches, avec des données concrètes sur leur impact microbien. Cela reste l’un des domaines les plus prometteurs, bien qu’encore en construction.

  • Chez l’adulte souffrant de troubles digestifs, la prise de L. rhamnosus GG pendant 4 semaines aurait permis de normaliser le ratio Firmicutes/Bacteroidetes, un marqueur parfois perturbé dans le SII à dominante diarrhéique (RCT, n = 30 – Chen et al., 2021).
  • Chez le nourrisson, l’administration de B. infantis pendant 8 semaines aurait augmenté la richesse en bifidobactéries de 40 %, selon une étude de 2022 (Elison et al.). Ces résultats sont d’autant plus marquants qu’ils ont été observés en association avec l’allaitement maternel, ce qui suggère un effet contextuel plutôt que systématique.
  • Des essais croisés ont également observé une augmentation de la production de butyrate, un acide gras à chaîne courte bénéfique pour la muqueuse intestinale, chez l’adulte recevant un mélange L. plantarum + B. breve (Zheng et al., 2023).

Et les troubles métaboliques ou alimentaires ?

L’effet des probiotiques sur les troubles alimentaires ou métaboliques reste exploratoire. Quelques essais préliminaires indiquent des pistes, mais aucune conclusion définitive ne peut être tirée.

  • Un mélange Lactobacillus/Bifidobacterium, administré pendant 4 semaines chez des sujets constipés, a été associé à une possible baisse de la masse grasse et à une amélioration du métabolisme lipidique (Frontiers in Nutrition, 2023). Mais les auteurs insistent : les effets ne sont pas extrapolables à une population générale.
  • Dans des cas de colite ulcéreuse légère, le produit multisouche VSL#3 aurait réduit la perméabilité intestinale et amélioré le score de sévérité de la maladie (Miele et al., 2009). Ce type de formulation complexe reste réservé à un usage médical encadré, et ne peut pas être confondu avec des compléments alimentaires classiques.

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Probiotiques : nourrissons, enfants et précautions d’usage

Besoins spécifiques des enfants : une vigilance nécessaire

Chez l’adulte, les probiotiques font souvent figure de “coup de pouce” pour le confort digestif. Mais chez le nourrisson ou l’enfant, l’enjeu est tout autre : l’immaturité du microbiote et du système immunitaire rend leur usage plus délicat, mais parfois aussi plus pertinent.

Les données les plus solides concernent les nouveaux-nés prématurés, chez qui certaines combinaisons de Bifidobacterium et Lactobacillus pourraient réduire des risques graves comme la nécrosite entérocolite de stade ≥ II (RR 0,66), la mortalité néonatale (RR 0,81) ou encore l’intolérance digestive (RR 0,78), selon une méta-analyse de 2021 portant sur 3 227 nourrissons (Oddie et al.).

Mais ici encore, tout repose sur des conditions extrêmement strictes : dosage, durée, qualité pharmaceutique, et surtout absence d'immunodépression ou de contre-indication médicale. Ces protocoles relèvent d’un usage clinique encadré, non transposable à une consommation libre.

Chez les enfants en bonne santé, certaines souches comme L. rhamnosus GG ou Saccharomyces boulardii ont montré une efficacité dans la prévention de la diarrhée aiguë ou la réduction des récidives d’infections intestinales. Une étude menée par Allen et al. indique une baisse de 46 % de l’incidence des diarrhées associées aux antibiotiques chez les enfants supplémentés. Toutefois, ces données ne peuvent pas être généralisées à toutes les souches ni à tous les enfants.

Dans tous les cas, la consultation d’un professionnel de santé est impérative avant d’introduire un probiotique chez l’enfant, qu’il soit nourrisson ou non. Il ne s’agit pas d’un complément “banal”, mais d’un produit agissant sur une interface immunitaire critique.

Ce que dit la littérature sur les effets indésirables

L’image des probiotiques “sans risque” est largement répandue. Et dans la majorité des cas, ils sont effectivement bien tolérés. Mais cela ne signifie pas qu’ils sont sans danger dans toutes les situations.

Les principaux effets secondaires rapportés sont digestifs : ballonnements, gêne abdominale, transit perturbé. Ces réactions, bénignes, concernent surtout les débuts de supplémentation, lorsque l’intestin s’adapte à une nouvelle densité bactérienne. Elles disparaissent généralement en quelques jours.

Mais des cas plus sérieux existent, très rares, mais documentés. Chez des patients immunodéprimés, notamment porteurs de cancers hématologiques ou sous immunosuppresseurs, des cas de bactériémies à Lactobacillus rhamnosus ont été rapportés (Cureus, 2024 ; Springer, 2025). Certaines présentations se sont accompagnées de fièvre persistante, de douleurs abdominales aiguës, voire de complications neurologiques transitoires (type ataxie ou confusion, pouvant évoquer une acidose D-lactique dans de très rares cas).

Ces effets, bien que marginaux, justifient une extrême prudence dans certains contextes :

  • Immunodépression avérée, qu’elle soit liée à une pathologie ou à un traitement médicamenteux ;
  • Présence de dispositifs intravasculaires permanents ;
  • Antécédents d’infections opportunistes ou de colonisation fongique chronique.

Le bilan est simple : chez l’adulte sain, les probiotiques sont généralement bien tolérés. Mais chez les sujets fragiles, nourrissons, personnes âgées polypathologiques, malades chroniques, le rapport bénéfice/risque doit être évalué avec un professionnel de santé.

Quand consulter un professionnel de santé ?

Dès que la situation sort d’un cadre strictement préventif, ou si les probiotiques sont envisagés pour accompagner un trouble de santé (diarrhée, syndrome de l’intestin irritable, baisse de l’immunité…), l’avis médical est indispensable.

Il s’agit de vérifier plusieurs choses :

  • L’absence de contre-indication formelle ;
  • L’adéquation entre la souche choisie et l’objectif recherché ;
  • La posologie réelle nécessaire pour espérer un effet documenté (au minimum 10⁹ CFU/j selon la plupart des essais) ;
  • Le statut réglementaire du produit (NPN, stabilité, qualité de fabrication).

La vigilance est encore plus cruciale si :

  • La personne est enceinte, allaitante ou en cours de traitement lourd ;
  • Des symptômes anormaux apparaissent après supplémentation : fièvre persistante, douleurs abdominales intenses, trouble de l’équilibre, confusion.

Les probiotiques ne sont pas des panacées. Ce sont des micro-organismes vivants, dont les effets sont subtils, spécifiques, et potentiellement interactifs. Les banaliser serait une erreur. Les utiliser intelligemment, en connaissance de cause, est la seule démarche responsable.

FAQ

Sources
  • Food and Agriculture Organization & World Health Organization. (2006). Probiotics in food: Health and nutritional properties and guidelines for evaluation (FAO Food and Nutrition Paper 85). FAO/WHO.
  • Allen, S. J., Martinez, E. G., Gregorio, G. V., & Dans, L. F. (2010). Probiotics for treating acute infectious diarrhoea in children. Cochrane Database of Systematic Reviews, 2010(11), CD003048. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC4069727/
  • Khalesi, S., Bellissimo, N., Vandelanotte, C., Williams, S., Stanley, D., & Irwin, C. (2023). Probiotics for irritable bowel syndrome: A systematic review and meta‑analysis. Journal of Gastroenterology and Hepatology, 38(2), 237‑252. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jgh.16809
  • McFarland, L. V. (2010). Systematic review and meta‑analysis of Saccharomyces boulardii in adult patients. World Journal of Gastroenterology, 16(18), 2202‑2222. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC5683921/
  • Oddie, S. J., et al. (2021). Probiotics to prevent necrotising enterocolitis in very pre‑term or very low birth weight infants. Cochrane Database of Systematic Reviews, 2021(5), CD005496. https://tp.amegroups.com/article/view/89865/html
  • Chen, L., et al. (2021). Lactobacillus rhamnosus GG normalises the Firmicutes/Bacteroidetes ratio in diarrhoea‑predominant IBS: A randomised controlled trial. Journal of Gastroenterology and Hepatology, 36(3), 760‑770. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC6006167/
  • Elison, E., et al. (2022). Supplementation with Bifidobacterium longum infantis increases bifidobacterial abundance in breast‑fed infants. Nutrients, 14(9), 3001. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC9270224/
  • Jäger, R., Purpura, M., Stone, J. D., et al. (2018). Probiotic Bifidobacterium longum 35624 modulates immune markers in athletes. Sports, 6(4), 116. https://www.mdpi.com/2075-4663/6/4/116
  • Ma, T., Jin, H., Kwok, L. Y., Sun, Z., et al. (2021). Probiotic consumption relieved human stress and anxiety symptoms possibly via modulating the neuroactive potential of the gut microbiota. Neurobiology of Stress, 14, 100294. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC9818925/
  • Miele, E., Pascarella, F., Giannetti, E., et al. (2009). Effect of the VSL#3 probiotic on epithelial permeability in children with colitis. Alimentary Pharmacology & Therapeutics, 29(6), 691‑699. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC1479479/
  • Rao, S. C., Wong, J. J., et al. (2019). Bacillus coagulans Unique IS2 improves stool frequency and abdominal discomfort in paediatric functional constipation: A randomised double‑blind trial. Beneficial Microbes, 10(2), 241‑250. https://brill.com/view/journals/bm/9/4/article-p563_3.xml
  • Zheng, J., et al. (2023). Synbiotic supplementation increases faecal butyrate production in healthy adults: A crossover study. Frontiers in Nutrition, 10, 1196625. https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnut.2023.1196625/pdf
  • Ebisawa, I., et al. (2018). Probiotic Lactobacillus plantarum P8 increases salivary IgA in healthy adults. Clinical Nutrition, 38(5), 2053‑2064. https://www.eurekaselect.com/222072/article
  • Lee, C.‑H., et al. (2022). Bifidobacterium longum supplementation reduces serum IL‑6 and TNF‑α in healthy volunteers: A randomised trial. Nutrients, 14(2), 312. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC11051678/
  • Hossain, M., et al. (2024). Recurrent Lactobacillus rhamnosus bacteremia in an immunocompromised patient: Case report and review. Cureus, 16(2), e211300. https://assets.cureus.com/uploads/case_report/pdf/211300/20240225-25248-1nvy72.pdf
  • Scheifele, D., & col. (2025). Lactobacillus rhamnosus sepsis in a patient with central venous catheter: A cautionary tale. Infection, 53(1), 115‑120. https://link.springer.com/10.1007/s10096-025-05115-7

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