La créatine. Voilà un mot qui revient souvent entre deux répétitions à la salle ou sur l’étiquette d’un shaker oublié dans le sac de sport. Star incontestée des compléments alimentaires, elle alimente énormément les rumeurs. L’une d’elles, tenace : la créatine ferait-elle tomber les cheveux ? Pour y voir plus clair, il faut déjà comprendre ce qu’est exactement cette molécule, comment elle fonctionne dans notre corps, et ce qu’elle est réellement censée faire. Loin des spéculations et des titres racoleurs, place aux faits.
- La créatine, c’est quoi exactement ?
- Supplémentation : quelles formes, quels usages ?
- Quels effets physiologiques ?
- Créatine, DHT et chute de cheveux : un vrai lien ou un effet loupe ?
- La DHT, ce dérivé hormonal sous haute surveillance
- La créatine fait-elle monter les niveaux de DHT ?
- Faut-il s’inquiéter pour ses cheveux en prenant de la créatine ?
- Ce que disent vraiment les études
La créatine, c’est quoi exactement ?
La créatine est une substance naturellement présente dans notre organisme, principalement au niveau des muscles et, dans une moindre mesure, dans le cerveau. Elle est synthétisée à partir de trois acides aminés : l’arginine, la glycine et la méthionine. On en retrouve aussi dans l’alimentation, notamment dans la viande rouge et le poisson.
Mais c’est surtout sa fonction dans les cellules qui la rend célèbre : elle intervient dans la production d’énergie à court terme, via un système appelé phosphocréatine. Quand un muscle a besoin de répondre à un effort intense (comme un sprint, un soulevé de terre ou une série explosive), c’est vers ce système qu’il se tourne en premier. La créatine permet alors de régénérer rapidement l’ATP, cette petite molécule qui alimente toutes les contractions musculaires.
Supplémentation : quelles formes, quels usages ?
En complément alimentaire, la créatine monohydrate est la plus utilisée, et pour cause : elle est la forme la mieux étudiée et la plus efficace selon les experts en nutrition sportive. Elle se présente souvent sous forme de poudre blanche, à mélanger avec de l’eau ou un liquide sucré.
Deux stratégies de supplémentation existent :
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Une phase de charge (souvent décriée), où l’on consomme environ 20 à 25 g de créatine par jour pendant 5 à 7 jours, suivie d’une phase d’entretien (3 à 5 g/j).
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Ou bien, plus simplement, une prise quotidienne régulière de 3 à 5 g, sans phase de charge, ce qui reste la méthode la plus répandue aujourd’hui.
À noter : les recommandations européennes s’accordent sur une dose de 3 g/j dans le cadre d’un usage sûr et autorisé. Au-delà, certains effets secondaires bénins peuvent apparaître (troubles digestifs, rétention d’eau), mais rien de grave chez un individu en bonne santé.
Quels effets physiologiques ?
D’un point de vue réglementaire, la seule allégation de santé autorisée par l’EFSA concernant la créatine est la suivante :
« La créatine augmente la performance physique lors d’exercices successifs de courte durée et de haute intensité. »
C’est clair, encadré, validé. Pour tout le reste : prise de masse, récupération, cognition, on reste dans l’observation clinique ou l’exploration scientifique.
Cela dit, les études sont nombreuses à indiquer que la créatine favoriserait une augmentation de la force musculaire, une meilleure récupération, et, chez les personnes âgées, un maintien de la masse maigre en complément d’un entraînement adapté.
Enfin, ce qu’il faut bien comprendre ici, c’est que la créatine n’est pas un stimulant hormonal. Elle n’est ni un dérivé de testostérone, ni un prohormone. Son action est énergétique, pas endocrine. Alors pourquoi certains l’accusent-ils de faire monter la DHT, cette fameuse hormone impliquée dans la calvitie masculine ?
Créatine, DHT et chute de cheveux : un vrai lien ou un effet loupe ?
Si la créatine soulève tant de questions, c’est parce qu’un mot revient systématiquement dans les discussions capillaires : DHT. Trois lettres que beaucoup associent à la calvitie, et que certains lient, à tort ou à raison, à la prise de créatine. Pour comprendre où se situe la vérité, il faut revenir aux bases.
La DHT, ce dérivé hormonal sous haute surveillance
La dihydrotestostérone (DHT) est une hormone issue de la testostérone, transformée par une enzyme appelée 5-alpha-réductase. C’est une molécule très puissante, essentielle au développement des caractères sexuels masculins à la puberté. Elle intervient notamment dans la croissance de la pilosité, de la prostate, et du système reproducteur.
Mais si la DHT est utile dans certaines zones du corps, elle pose problème ailleurs, notamment au niveau du cuir chevelu. Chez les personnes génétiquement prédisposées à l’alopécie androgénétique, cette hormone accélère le raccourcissement du cycle pilaire, miniaturise progressivement les follicules, et aboutit à une chute de cheveux typique : le dégarnissement des tempes, puis du sommet du crâne.
Pas de gène = pas d’effet. La DHT ne provoque pas la calvitie chez tout le monde, elle agit uniquement chez les sujets sensibles. C’est un facteur déclencheur, pas une cause universelle.
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La créatine fait-elle monter les niveaux de DHT ?
C’est l’étude sud-africaine de Van der Merwe et al., publiée en 2009 qui a allumé la mèche. Réalisée sur 20 joueurs de rugby, elle montre qu’après une phase de charge de 7 jours à 25 g/jour, suivie de 14 jours à 5 g/j, les participants auraient présenté une hausse de 56 % des niveaux de DHT, toujours 40 % au-dessus du niveau initial après trois semaines. Le rapport DHT/testostérone aurait été également augmenté.
Mais cette étude n’a jamais été reproduite. En quinze ans, aucune autre recherche n’a retrouvé une telle élévation. Et surtout, aucune mesure capillaire n’avait été réalisée dans cette étude : pas de comptage de cheveux, pas d’analyse de densité, pas d’évaluation clinique, bref, rien qui ne prouve un lien entre la créatine et la perte de cheveux.
Plus récemment, une étude contrôlée en double aveugle publiée en 2025 (PMID: 40265319) a suivi 45 hommes pendant 12 semaines, supplémentés avec 5 g/jour de créatine monohydrate. Résultat ?
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Aucune augmentation de la DHT ;
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Aucune variation du ratio DHT/testostérone ;
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Aucune modification de la densité capillaire, du diamètre des cheveux ou du nombre de follicules.
Les chercheurs concluent que la créatine, aux doses usuelles, n’altèrerait pas le profil hormonal androgénique, ni les paramètres visibles de la chevelure.
Faut-il s’inquiéter pour ses cheveux en prenant de la créatine ?
Sur les forums, la peur est palpable. Témoignages à l’appui, certains affirment que leur chute de cheveux a commencé dès la première cuillère de créatine. Mais comme souvent, corrélation n’est pas causalité.
La vérité, c’est que la créatine n’a jamais été formellement impliquée dans un processus de chute de cheveux. Ce qu’on sait, c’est qu’une personne génétiquement programmée pour l’alopécie androgénétique peut déclencher la calvitie entre 20 et 35 ans — pile l’âge des sportifs amateurs qui prennent de la créatine. Difficile, donc, de savoir si la perte coïncide… ou s’accélère.
C’est un peu comme blâmer votre nouvelle paire de baskets parce que vous avez croisé votre premier cheveu blanc en les portant. Le contexte compte. La génétique, le stress, les carences (zinc, fer, vitamine D), les changements hormonaux… autant de facteurs plus plausibles.
Ce que disent vraiment les études
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Une seule étude (2009) a mis en évidence une hausse transitoire de DHT, sans lien clinique avec la calvitie / perte de cheveux.
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Toutes les études récentes, dont une randomisée et bien contrôlée en 2025, n’ont montré aucun effet sur les niveaux de DHT, ni sur l’état du cuir chevelu ou la perte de cheveux.
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Les revues critiques, comme celle de l’International Society of Sports Nutrition, rappellent qu’il n’existe aucune preuve que la créatine augmente la testostérone ou la DHT de manière significative, ni qu’elle induit une perte capillaire.
Sources :
Van der Merwe, J., Brooks, N. E., & Myburgh, K. H. (2009).
Three weeks of creatine monohydrate supplementation affects dihydrotestosterone to testosterone ratio in college-aged rugby players.
Lewis, A. J., Martinez, P., et al. (2025).
Does creatine supplementation impact androgenic hormone profiles and hair follicle parameters in resistance-trained males?
European Food Safety Authority (EFSA) Panel on Dietetic Products, Nutrition and Allergies. (2011).
Scientific Opinion on the substantiation of health claims related to creatine and physical performance.
Antonio, J., Candow, D. G., Forbes, S. C., et al. (2021).
Common questions and misconceptions about creatine supplementation: what does the scientific evidence really show?
Suchonwanit, P., Thammarucha, S., & Leerunyakul, K. (2023).
Androgenetic alopecia: pathogenesis and treatment.
FAQ :
Peut-on associer créatine et traitements capillaires (minoxidil, finastéride) ?
Il n’existe pas d’interaction connue entre la créatine et les traitements anti-chute classiques. Toutefois, si vous suivez une prescription médicale, l’idéal est d’en informer votre professionnel de santé avant toute supplémentation, surtout en cas d’antécédents hormonodépendants.
Est-ce qu’un shampoing anti-chute peut compenser les effets d’un complément comme la créatine ?
Un shampoing n’a pas d’action sur les mécanismes hormonaux profonds, comme ceux impliquant la DHT. Il pourrait renforcer la fibre capillaire ou stimuler légèrement la microcirculation, mais cela ne contrebalance pas une alopécie androgénétique si elle est en cours. Son usage reste complémentaire, mais non préventif.
Existe-t-il des profils plus à risque que d’autres ?
Oui. Les hommes jeunes ayant des antécédents familiaux de calvitie précoce ou des signes débutants d’alopécie (éclaircissement aux tempes, perte en couronne) sont les plus susceptibles de voir leur état évoluer, avec ou sans créatine.
Est-il utile de faire une phase de charge quand on est préoccupé par ses cheveux ?
Non. Si vous cherchez à limiter au maximum l’exposition à d’éventuelles fluctuations hormonales, il est conseillé de s’en tenir à une dose stable et modérée de créatine (3 g/j), sans passer par la phase de charge. Ce protocole est aujourd’hui largement adopté et reconnu pour être suffisant.
Un complément à base de créatine tamponnée ou « naturelle » change-t-il quelque chose ?
Non. Toutes les formes de créatine disponibles sur le marché (monohydrate, tamponnée, micronisée) ont un mécanisme d’action similaire. Aucun effet différencié sur les androgènes ou la santé capillaire n’a été observé à ce jour dans la littérature scientifique.
Quels sont les signes qui doivent alerter lorsqu’on prend de la créatine ?
Une chute de cheveux isolée ne suffit pas à conclure quoi que ce soit. En revanche, si la perte est rapide, étendue ou associée à d’autres symptômes (fatigue persistante, ongles cassants, baisse de libido), cela mérite une consultation. Un bilan capillaire complet permet d’écarter d’autres causes plus probables.