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Oméga-3 et cerveau : ce qu'il faut savoir

Oméga-3 et cerveau : ce qu'il faut savoir

Quand on s’intéresse aux compléments alimentaires, difficile d’échapper aux oméga-3. Présentés partout comme des alliés incontournables de la santé, ils font notamment parler d’eux pour leurs effets supposés sur le cerveau. Mais au-delà des promesses marketing, que nous dit réellement la science à ce sujet ?

Les différents types d'oméga-3

On parle souvent « des » oméga-3, mais il faut savoir qu’ils ne se ressemblent pas tous. Concrètement, cette grande famille comprend principalement trois membres essentiels : l’acide alpha-linolénique (ALA), l'acide eicosapentaénoïque (EPA) et l'acide docosahexaénoïque (DHA). 

Ce sont tous des acides gras dits polyinsaturés, c’est-à-dire qu’ils possèdent plusieurs doubles liaisons dans leur structure chimique.

Bienfaits des oméga-3 sur la santé cérébrale

Lorsqu’on évoque les bienfaits des oméga-3 sur la santé du cerveau, il convient d’adopter une approche nuancée et scientifiquement rigoureuse. Certes, certains bénéfices sont aujourd’hui clairement reconnus par les autorités sanitaires européennes (EFSA), mais d’autres méritent des précisions pour éviter les raccourcis trompeurs ou les promesses irréalistes. 

Influence sur la fonction cognitive

La fonction cognitive regroupe des capacités telles que la mémoire, l’attention, et la concentration. Ces capacités influencent directement notre quotidien, que ce soit pour retenir des informations importantes, rester concentré lors d’un travail intellectuel ou simplement garder en tête où l’on a posé ses clés.

Amélioration de la mémoire

Le rôle potentiel du DHA dans la mémoire est très étudié, et de son côté, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) affirme que le DHA contribue au maintien d’une fonction cérébrale normale (à partir de 250 mg par jour). 

Plusieurs études ont d’ailleurs exploré cet aspect plus en détail. Une méta-analyse récente (Zhang et al., 2016) suggère qu’une consommation régulière de poissons gras riches en DHA pourrait être associée à une réduction significative du risque de démence. Selon cette étude, chaque augmentation de 100 mg par jour d’apport en DHA pourrait diminuer de près de 10 % le risque de développer des troubles de la mémoire liés à l’âge. 

Impact sur l’attention et la concentration

Si le DHA participe effectivement à une fonction cérébrale normale, son impact précis sur l’attention et la concentration reste plus subtil. 

Plusieurs recherches soulignent que le DHA, intégré dans les membranes des neurones, pourrait faciliter la transmission efficace des messages nerveux. 

En effet, selon une revue systématique publiée en 2022 (Dighriri et al.), une consommation suffisante d’oméga-3 serait associée à des performances cognitives globales améliorées, incluant potentiellement une meilleure attention et une plus grande capacité de concentration. 

Toutefois, ces résultats restent variables selon les populations et les méthodologies utilisées. 

Effets sur la santé mentale

Pour le lien entre nutrition et santé mentale, les oméga-3 font l’objet d’une attention particulière, notamment concernant les risques de dépression et la gestion du stress.

Diminution des risques de dépression

Certaines données prometteuses existent entre un potentiel effet entre les oméga-3 et la dépression. 

Une méta-analyse de Smidowicz & Regula (2019) suggère par exemple que les suppléments riches en EPA pourraient avoir un effet bénéfique modéré chez les personnes présentant des symptômes dépressifs. 

Ces bénéfices seraient plus visibles lorsque l’EPA représente au moins 60 % du complément alimentaire consommé, avec des doses quotidiennes autour de 1 gramme. 

Rôle dans la gestion du stress

Sur le plan du stress, les oméga-3 semblent également prometteurs, même si les données disponibles restent encore limitées. Une étude (Manzoni O. J., Layé S. et al., 2017) sur des souris a révélé qu’un régime pauvre en oméga-3 dès l’adolescence pourrait favoriser des comportements anxieux à l’âge adulte, suggérant un rôle protecteur potentiel des oméga-3 face au stress chronique.

Protection contre le déclin cognitif

Les oméga-3 pourraient, selon certaines études, jouer un rôle bénéfique dans le domaine du déclin cognitif.

Mécanismes de protection

Les oméga-3, et notamment le DHA, sont des composants naturels des membranes (la surface extérieure) des neurones. Cette présence permettrait de maintenir la souplesse de ces membranes, ce qui pourrait faciliter la transmission normale des signaux nerveux. Par ailleurs, certaines études suggèrent que les oméga-3 pourraient contribuer à moduler l’inflammation chronique, souvent observée avec l’âge. (Dighriri et al. 2022)

Relation avec des maladies neurodégénératives

Certaines études observationnelles, comme celle de Rotterdam, ont mis en évidence une possible réduction du risque de développer la maladie d’Alzheimer ou d’autres formes de démence chez les personnes consommant régulièrement des poissons gras. L’étude de Rotterdam a notamment observé jusqu’à 60 % de réduction du risque chez les consommateurs réguliers de poissons riches en oméga-3. Cependant, les essais cliniques menés avec des compléments en oméga-3 chez des patients déjà atteints de démence ont généralement échoué à ralentir significativement la progression de la maladie.

Conséquences d'une carence en oméga-3

Si l’on comprend bien l’importance de consommer suffisamment d’oméga-3, encore faut-il mesurer précisément les conséquences réelles d'une éventuelle carence, particulièrement chez les populations les plus vulnérables, comme les femmes enceintes, les nourrissons et les jeunes enfants. 

Impact sur le développement cérébral des enfants

Le développement cérébral des enfants dépend étroitement de la qualité du régime alimentaire de la mère pendant la grossesse, puis du nourrisson pendant ses premières années de vie.

Risques pendant la grossesse

La période de la grossesse est une phase critique où le cerveau du fœtus connaît un développement particulièrement rapide. Durant le troisième trimestre, le cerveau du bébé accumule massivement du DHA. C’est un peu comme si on construisait un bâtiment en accéléré : manquer de matériaux à ce moment précis pourrait affaiblir durablement toute la structure.

Une vaste étude britannique, connue sous le nom de cohorte ALSPAC, a justement observé que les enfants de mères ayant une consommation faible ou inexistante de poisson (donc potentiellement carencées en DHA) pendant la grossesse montraient une tendance à des scores inférieurs aux tests de communication sociale dès la petite enfance. 

Plus tard, vers l’âge de 7 à 8 ans, ces mêmes enfants obtiendraient également des scores légèrement inférieurs en QI verbal et en compétences sociales. 

Ces observations souligneraient l’importance pour les femmes enceintes d’avoir un apport régulier et suffisant en oméga-3, notamment via des poissons gras à faible contamination (comme le saumon, la sardine ou le maquereau). 

Les autorités sanitaires recommandent ainsi aux femmes enceintes de consommer environ 250 mg de DHA par jour en complément d’un régime équilibré, pour soutenir correctement le développement cérébral du bébé.

Conséquences pour les nourrissons et jeunes enfants

Après la naissance, le nourrisson continue à dépendre d’un apport adéquat en oméga-3 pour poursuivre la maturation de son cerveau. En effet, les premiers mois de vie sont une autre période-clé, au cours de laquelle la croissance cérébrale est particulièrement intense. 

Or, si la mère allaitante ne consomme pas suffisamment de DHA, son lait sera appauvri en cet acide gras essentiel. 

Pour pallier ce risque, les préparations pour nourrissons vendues en Europe incluent systématiquement du DHA depuis plusieurs années, avec un apport typique d’environ 100 mg par jour. Une étude menée à l’université du Kansas (KUDOS, 2013) montre qu’un apport adéquat en DHA durant les premiers mois de vie pourrait favoriser un développement cognitif plus harmonieux, observé par de meilleurs résultats aux tests psychomoteurs réalisés durant la petite enfance.

En cas de carence prolongée en oméga-3, certains travaux scientifiques réalisés sur des modèles animaux, ont montré de potentielles modifications structurelles importantes au niveau cérébral. (Manzoni et Layé, 2017) 

Plus précisément, un manque chronique de DHA pourrait altérer l’activité des microglies, ces cellules immunitaires cérébrales responsables du « nettoyage » et du façonnage des connexions neuronales durant la croissance. Ces altérations pourraient alors, selon cette étude, perturber durablement la qualité des connexions cérébrales, avec potentiellement des conséquences négatives sur la mémoire, l’apprentissage et le comportement chez l’enfant.

Effets sur les adolescents

L’adolescence est souvent comparée à une période de travaux intenses dans le cerveau : les connexions se réorganisent, les réseaux neuronaux se structurent, et les fondations du futur équilibre émotionnel et cognitif se mettent en place.

Liens avec les troubles de l’humeur

Les troubles de l’humeur chez les adolescents, tels que l’anxiété ou la dépression, sont en constante augmentation dans les sociétés occidentales. Or, des études menées en 2017 (Manzoni & Layé) indiquent qu’une alimentation pauvre en oméga-3 dès l’adolescence pourrait accentuer les comportements anxieux ou dépressifs à l’âge adulte. 

Concrètement, chez des souris ayant manqué de DHA durant leur adolescence, les chercheurs ont observé, une fois adultes, des comportements anxieux accrus et des difficultés à gérer les émotions. Transposé à la réalité humaine, cela suggère que les adolescents dont le régime alimentaire manque régulièrement d’oméga-3 pourraient être plus vulnérables à des variations d’humeur importantes, voire à des troubles émotionnels durables.

Certaines méta-analyses (Smidowicz & Regula, 2019) ont d'ailleurs suggéré que les compléments riches en EPA pourraient offrir un bénéfice modéré chez des sujets souffrant de symptômes dépressifs, à condition que l’apport soit régulier et significatif (environ 1 g par jour).

Influence sur les performances scolaires

Le lien entre les oméga-3 et les performances scolaires fait également l’objet de nombreuses interrogations. Durant l’adolescence, les exigences scolaires augmentent fortement : la mémoire, la concentration et la capacité d’attention sont très sollicités. 

Plusieurs recherches indiquent qu’un apport insuffisant en DHA durant cette période pourrait fragiliser ces fonctions. La même étude que nous avons citée pour les troubles de l’humeur a ainsi observé que des souris ayant manqué d’oméga-3 durant leur adolescence présentaient, à l’âge adulte, des déficits cognitifs clairs, affectant leur capacité à réaliser des tâches complexes nécessitant attention et mémoire.

Risques de consommation excessive d'oméga-3

Si les oméga-3 sont souvent présentés comme bénéfiques pour la santé cérébrale, en consommer en quantités excessives n’est toutefois pas sans risques. 

Effets secondaires potentiels

Selon l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA, 2012), une consommation allant jusqu’à 5 grammes d’EPA et DHA combinés par jour ne présenterait aucun risque significatif pour la majorité des adultes. Cependant, à partir de doses élevées (au-delà de 3 grammes par jour), certains effets secondaires pourraient potentiellement survenir.

L’un des principaux effets d’un apport excessif en oméga-3 concerne une légère augmentation du temps de saignement. 

Sur un plan digestif, les suppléments concentrés en huile de poisson de mauvaise qualité peuvent provoquer des effets indésirables légers mais gênants : nausées, reflux gastriques, goût persistant de poisson ou troubles gastro-intestinaux mineurs. 

Ces inconforts ne concernent généralement que les personnes sensibles ou utilisant des compléments très concentrés.

Interactions médicamenteuses

Enfin, en raison de leur effet potentiellement anticoagulant à forte dose, les oméga-3 peuvent interagir avec certains médicaments. 

Plus précisément, les personnes sous traitement anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire (aspirine, warfarine, ou autres médicaments destinés à fluidifier le sang) doivent impérativement consulter leur médecin avant de consommer des compléments alimentaires à base d’oméga-3 en grande quantité. L’association de ces médicaments à de fortes doses d’EPA et DHA pourrait en effet amplifier leur action et augmenter ainsi les risques d’hémorragie.

De même, chez les personnes diabétiques, certaines études mentionnent une potentielle augmentation légère de la glycémie à jeun avec des doses élevées d’oméga-3, bien que ces effets restent limités et peu documentés à ce jour.

Sources alimentaires et recommandations

Voici les sources principales d'oméga 3 dans l'alimentation

Type d'oméga-3

Aliments sources

Quantité d’oméga-3 par portion

EPA et DHA (origine marine)

Saumon

1 à 2 g pour 100 g


Sardine

~1 g pour 100 g


Maquereau

~1 g pour 100 g


Hareng

~1 g pour 100 g


Thon frais

~0,5 à 1 g pour 100 g

ALA (origine végétale)

Graines de lin

7 g par cuillère à soupe


Graines de chia

5 g par cuillère à soupe


Noix de Grenoble

2 à 3 g par poignée (~30 g)


Huile de colza

~1 g par cuillère à soupe


Huile de lin

7 g par cuillère à soupe

A noter que la conversion de l’ALA vers l’EPA et le DHA est très faible, ce qui rend un bon apport en EPA et DHA impossible à atteindre sans consommer d’aliments de source marine.

Et du côté des dosages, les autorités sanitaires fournissent des recommandations claires sur les doses quotidiennes à consommer en fonction des âges et des besoins spécifiques.

Population

EPA + DHA (origine marine)

ALA (origine végétale)

Adultes

250 à 500 mg par jour

environ 2 g par jour

Femmes enceintes et allaitantes

250 mg par jour, dont 200 mg de DHA minimum

environ 2 g par jour

Enfants et adolescents

100 à 250 mg par jour (selon l’âge)

environ 1 à 2 g par jour

Sources : 

ANSES. (2016). Révision des références nutritionnelles pour les acides gras (Rapport n° 2016-SA-0103).

Carlson, S. E., Colombo, J., Gajewski, B. J., Gustafson, K. M., Mundy, D., Yeast, J. D., Georgieff, M. K., & Markley, L. A. (2013). DHA supplementation and pregnancy outcomes—Kansas University DHA Outcomes Study.

Dighriri, I. M., Alsubaie, A. M., Hakami, F. M., Hakami, R. M., Alhazmi, H. A., Wani, S., Banaganapalli, B., & Shaikh, I. A. (2022). Effects of omega-3 polyunsaturated fatty acids on brain functions: A systematic review.

EFSA Panel on Dietetic Products, Nutrition and Allergies. (2010). Scientific opinion on dietary reference values for fats, including saturated fatty acids, polyunsaturated fatty acids, monounsaturated fatty acids, trans fatty acids and cholesterol.

EFSA Panel on Dietetic Products, Nutrition and Allergies. (2012). Scientific opinion on the tolerable upper intake level of eicosapentaenoic acid (EPA), docosahexaenoic acid (DHA) and docosapentaenoic acid (DPA).

Hibbeln, J. R., Davis, J. M., Steer, C., Emmett, P., Rogers, I., Williams, C., & Golding, J. (2007). Maternal seafood consumption in pregnancy and neurodevelopmental outcomes in childhood (ALSPAC study): An observational cohort study.

Kalmijn, S., Feskens, E. J. M., Launer, L. J., & Kromhout, D. (1997). Dietary fat intake and the risk of incident dementia in the Rotterdam Study.

Manzoni, O. J., & Layé, S., avec la collaboration de D. P. Hilderbrand, P. Chavis et al. (2017). Early-life dietary omega-3 deficiency impairs neuronal plasticity and increases anxiety-like behaviour in adult mice. 

Smidowicz, A., & Regula, J. (2019). Efficacy of omega-3 PUFA in depression: A meta-analysis.

Zhang, Y., Chen, J., Qiu, J., Li, Y., Wang, J., Jiao, J., & He, J. (2016). Intakes of fish and polyunsaturated fatty acids and mild-to-severe cognitive impairment risks: A dose-response meta-analysis of 21 cohort studies. 

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