Si manger tard est souvent associé à une prise de poids ou à une mauvaise digestion, la réalité scientifique est vraiment plus subtile. Alors, faut-il vraiment dire adieu à cette petite collation protéinée avant le coucher ? Les protéines (qu’il s’agisse de caséine ou de whey) consommées la nuit auraient-elles un intérêt pour votre récupération musculaire, votre masse musculaire ou même votre poids ?
Dans cet article, on fait tomber les clichés et on vous explique clairement quels bénéfices réels pourraient se cacher derrière la prise de protéines avant de dormir.
- L'intérêt des protéines pour l’organisme
- Pourquoi consommer des protéines avant de dormir ?
- Choix de la Protéine : Caséine, Whey, Protéines Végétales… Que choisir ?
- Digestion Nocturne et Qualité du Sommeil : les protéines, amies ou ennemies du sommeil ?
- Dosage et Timing : Mode d’Emploi pour une nuit réussie !
L'intérêt des protéines pour l’organisme
Les protéines ne servent pas seulement à entretenir la masse musculaire : elles constituent également des éléments de base indispensables à la fabrication d’enzymes, de certaines hormones et d’anticorps impliqués dans le bon fonctionnement de l’organisme selon cette étude (Institute of Medicine, 2005).
Lorsque vous bougez, faites du sport, soulevez des haltères ou courez un marathon, vos fibres musculaires subissent naturellement de petites lésions. Pour réparer ces microlésions, votre corps a besoin de protéines, ou plus exactement, des acides aminés qui les composent. Ces derniers permettent à votre organisme de maintenir un bon équilibre entre deux phénomènes : l’anabolisme (construction musculaire) et le catabolisme (dégradation musculaire).
Si vos réserves d’acides aminés sont insuffisantes, votre corps va chercher ces éléments dans ses propres tissus musculaires. Autrement dit, sans protéines suffisantes, vous risquez d’aller à l’encontre de votre récupération musculaire et de limiter vos progrès..
Sur le plan sportif, l'apport en protéines est donc important pour une bonne récupération après l'effort. Plusieurs études scientifiques (Phillips et al., 1997 ; Koopman et al., 2005, 2007) ont mis en évidence qu’un apport régulier en protéines, particulièrement après l'entraînement, aiderait à maintenir un bilan azoté positif (une condition favorable à la récupération et à la construction musculaire).
Pourquoi consommer des protéines avant de dormir ?
Vous pensiez que vos muscles se reposaient tranquillement dès que vous fermez les yeux ? Détrompez-vous : pendant que vous dormez, vos muscles, eux, continuent leur travail de reconstruction. C’est précisément là qu’interviennent les protéines, en particulier la caséine, une protéine à assimilation lente qui diffuserait progressivement des acides aminés durant la nuit selon cette étude (Groen et coll., 2011).
Plusieurs études scientifiques se sont intéressées à ce phénomène : notamment, Van Loon et ses collègues (Res et coll., 2012) qui ont démontré que consommer entre 30 et 40 grammes de caséine avant le coucher permettrait d’étendre la disponibilité en acides aminés jusqu’au matin.
Concernant les bénéfices de la protéine, ils sont assez concrets et sont multiples :
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Amélioration de la synthèse protéique musculaire (jusqu’à +30 % selon Res et coll.) Autrement dit, votre corps pourrait construire et réparer vos muscles efficacement pendant la nuit.
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Limitation du catabolisme : en fournissant des acides aminés pendant la nuit, l’apport protéique pourrait contribuer à maintenir un bilan azoté positif, limitant ainsi la dégradation musculaire naturelle.
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Optimisation de la récupération musculaire : Un apport adapté en protéines pourrait favoriser une meilleure récupération musculaire, notamment en limitant l’accumulation des micro-lésions, et soutenir la capacité à enchaîner les séances d’entraînement. (Jäger R, 2017)
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Préservation de la masse maigre et contrôle du poids : contrairement à l’idée reçue selon laquelle manger tard serait mauvais pour la ligne, une collation protéinée bien dosée avant de dormir pourrait même contribuer à préserver la masse musculaire sans prise de gras automatique, grâce notamment à une légère augmentation de la thermogenèse selon cette étude (Moore et coll., 2009).
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De plus, une collation protéinée aiderait à ressentir une meilleure satiété ([Kinsey & Ormsbee, 2015]).
Choix de la Protéine : Caséine, Whey, Protéines Végétales… Que choisir ?
Type de Protéine |
Vitesse d’assimilation |
Moment idéal |
Points forts |
Points faibles |
Exemples |
Lente (jusqu’à 7 heures) [Boirie et al., 1997] |
Avant de dormir (fenêtre nocturne idéale) |
- Libération continue d’acides aminés - Adaptée au sommeil - Favorise bilan azoté positif nocturne |
- Pas idéale immédiatement après entraînement |
Shaker de caséine, fromage blanc, yaourt grec, cottage cheese |
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Rapide (1-2 heures) |
Juste après entraînement |
- Assimilation rapide et efficace - Pic rapide d’acides aminés |
- Trop rapide pour durer toute la nuit - Moins efficace seule au coucher |
Shaker post-workout, whey mélangée à un yaourt (ralentit assimilation) |
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Protéine d’œuf |
Intermédiaire (~3-4 heures) |
Repas du soir ou collation |
- Bon compromis vitesse lente/rapide - Excellent profil en acides aminés |
- Moins pratique que poudres (préparation requise) - Moins courant en supplément |
Omelette de blancs d’œufs, Poudre de blanc d’œuf |
(soja, pois, riz, chanvre, etc.) |
Variable selon la source [Tang et al., 2009; Wilkinson et al., 2007] |
Repas/collation du soir |
- Adapté aux végétariens/végétaliens - Digestibilité souvent bonne - Combinaison possible pour profil complet |
- Profil en acides aminés incomplet (si consommées seules) - Goût et texture variables |
Shake pois+riz, tofu, légumineuses (lentilles, pois chiches), tempeh |
Aliments solides riches en protéines |
Généralement lente (~5-7 heures) |
Repas ou collation du soir |
- Naturels, satiétogènes - Bonne digestion lente nocturne - Apportent d’autres nutriments utiles (calcium, fibres...) |
- Moins précis sur le dosage protéique - Apport calorique parfois plus élevé |
Fromage blanc, skyr, yaourt grec, tofu, lentilles, cottage cheese |
Digestion Nocturne et Qualité du Sommeil : les protéines, amies ou ennemies du sommeil ?
Digestion pendant le sommeil : ça tourne en continu !
Contrairement aux idées reçues, votre digestion ne s’arrête pas totalement lorsque vous dormez. Des études, comme celle de Groen et al. (2011), indiquent que les protéines dites « lentes », comme la caséine, seraient absorbées progressivement pendant toute la nuit, sans provoquer d’inconfort majeur. Autrement dit, pendant que vous rêvez tranquillement, votre organisme continuerait de traiter les acides aminés fournis par votre collation protéinée.
Protéines et sommeil : une question de dosage
Attention toutefois à la quantité et au choix des aliments : comme l’indique l’INSEP (2013), un repas copieux, riche en graisses ou trop lourd avant de se coucher peut rendre l’endormissement difficile. À l’inverse, une collation protéinée modérée (environ 20 à 30 g de protéines) ne semblerait pas perturber la qualité du sommeil selon plusieurs études récentes (European Journal of Clinical Nutrition, 2022).
Quel choix privilégier ?
Certaines protéines végétales, comme celles issues des légumineuses (lentilles, pois chiches), sont particulièrement intéressantes grâce à leur teneur en magnésium, reconnus pour leur effet traditionnellement apaisant. Pensez également à la caséine, qui pourrait être un choix très intéressant pour les raisons que nous avons abordées.
Dosage et Timing : Mode d’Emploi pour une nuit réussie !
La quantité idéale : ni trop, ni trop peu !
Pour favoriser efficacement la synthèse protéique pendant votre sommeil, une quantité de 20 à 40 g de protéines (environ 30 g en général) serait recommandée avant le coucher [Moore et al., 2009]). Inutile toutefois d’aller trop loin. Pensez aussi à fractionner intelligemment votre apport protéique tout au long de la journée, ne vous envoyez pas 200g de protéine avant d’aller dormir.
Timing optimal : juste avant de dire bonne nuit !
Le meilleur moment pour profiter de votre petite dose de protéines serait entre 30 minutes et 1 heure avant le coucher ([Res et al., 2012]). Ce délai permettrait à votre organisme de commencer la digestion sans inconfort, tout en assurant un apport continu d’acides aminés durant la nuit. Toutefois, si votre dîner est déjà tardif et riche en protéines, réduisez simplement votre collation ou ne la prenez pas pour éviter d’avoir l’estomac trop lourd avant d’aller dormir.
Entraînement en soirée : whey ou caséine ?
Si vous vous entraînez tard le soir, adaptez votre choix : immédiatement après l’effort, privilégiez un mélange whey + glucides pour démarrer rapidement la récupération ([Beelen et al., 2008b]). Ensuite, juste avant de vous coucher, choisissez plutôt la caséine, qui permettrait à vos muscles de bénéficier d’un approvisionnement régulier tout au long de la nuit.
Source :
Phillips SM, Tipton KD, Aarsland A, Wolf SE, Wolfe RR. Mixed muscle protein synthesis and breakdown after resistance exercise in humans. Am J Physiol
Koopman R, Wagenmakers AJ, Manders RJ, Zorenc AH, Senden JM, Gorselink M, Keizer HA, van Loon LJ. Combined ingestion of protein and free leucine with carbohydrate increases postexercise muscle protein synthesis in vivo in male subjects.
Koopman R, Beelen M, Stellingwerff T, Pennings B, Saris WH, Kies AK, Kuipers H, van Loon LJ. Coingestion of carbohydrate with protein does not further augment postexercise muscle protein synthesis.
Groen BB, Res PT, Pennings B, Hertle E, Senden JM, Saris WH, van Loon LJ. Intragastric protein administration stimulates overnight muscle protein synthesis in elderly men.
Res PT, Groen B, Pennings B, Beelen M, Wallis GA, Gijsen AP, Senden JM, VAN Loon LJ. Protein ingestion before sleep improves postexercise overnight recovery.
Moore DR, Robinson MJ, Fry JL, Tang JE, Glover EI, Wilkinson SB, Prior T, Tarnopolsky MA, Phillips SM. Ingested protein dose response of muscle and albumin protein synthesis after resistance exercise in young men.
Kinsey AW, Ormsbee MJ. The health impact of nighttime eating: old and new perspectives.
Tang JE, Moore DR, Kujbida GW, Tarnopolsky MA, Phillips SM. Ingestion of whey hydrolysate, casein, or soy protein isolate: effects on mixed muscle protein synthesis at rest and following resistance exercise in young men.
Wilkinson SB, Tarnopolsky MA, Macdonald MJ, Macdonald JR, Armstrong D, Phillips SM. Consumption of fluid skim milk promotes greater muscle protein accretion after resistance exercise than does consumption of an isonitrogenous and isoenergetic soy-protein beverage.
Boirie Y, Dangin M, Gachon P, Vasson MP, Maubois JL, Beaufrère B. Slow and fast dietary proteins differently modulate postprandial protein accretion.
Beelen M, Tieland M, Gijsen AP, Vandereyt H, Kies AK, Kuipers H, Saris WH, Koopman R, van Loon LJ. Coingestion of carbohydrate and protein hydrolysate stimulates muscle protein synthesis during exercise in young men, with no further increase during subsequent overnight recovery.
Howarth KR, Moreau NA, Phillips SM, Gibala MJ. Coingestion of protein with carbohydrate during recovery from endurance exercise stimulates skeletal muscle protein synthesis in humans.
Dietary Reference Intakes for Energy, Carbohydrate, Fiber, Fat, Fatty Acids, Cholesterol, Protein, and Amino Acids, 2005
https://jissn.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12970-017-0177-8