Ashwagandha et thyroïde : Effets potentiels, précautions et ce que montre la science

Ashwagandha et thyroïde : Effets potentiels, précautions et ce que montre la science
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Les déséquilibres de la thyroïde, on en parle souvent trop tard, lorsqu’ils fatiguent, font grossir, ralentissent ou accélèrent tout l’organisme. Pourtant, la thyroïde n’agit jamais seule. Stress, inflammation, mode de vie… influencent sa régulation bien plus qu’on ne le croit. C’est dans cette dynamique que s’inscrit l’ashwagandha, plante-racine de l’Ayurvéda. Aujourd’hui, plusieurs équipes de recherche se sont intéressées à son potentiel effet sur l’axe thyroïdien.

Qu’est-ce que l’ashwagandha ?

Withania somnifera, plus connue sous le nom d’ashwagandha, est une plante utilisée depuis des millénaires dans la médecine ayurvédique. Ce n’est ni un médicament, ni un traitement hormonal, mais certaines de ses propriétés biologiques en font un sujet d’intérêt dans la recherche sur les déséquilibres endocriniens, y compris ceux touchant la thyroïde.

Sa racine contient des composés actifs appelés withanolides, à l’origine de ses effets explorés dans plusieurs domaines scientifiques : fatigue, réponse au stress, inflammation.

Comment l’ashwagandha agit-elle sur la thyroïde ?

Dans les rares études disponibles, l’ashwagandha a été testée pour ses effets sur les taux de T3, T4 et TSH, c’est-à-dire sur les principales hormones thyroïdiennes. Sa potentielle action ne semblerait pas être directe : elle n’imiterait pas une hormone, mais pourrait influencer la régulation naturelle via le stress oxydatif, le cortisol, ou la signalisation hormonale en cas de déséquilibre. Cette modulation est ce qui fait dire à certains chercheurs qu’elle aurait une action “normalisante”.

Son effet ne serait observable que dans des contextes très précis : notamment l’hypothyroïdie légère, dite “subclinique”, quand la glande fonctionne un peu au ralenti mais sans basculer dans la pathologie déclarée. En revanche, chez une personne sans trouble, les résultats seraient bien plus nuancés.

Effets sur l’hypothyroïdie

L’étude de référence, menée par Sharma et collaborateurs (2018), a suivi 50 personnes atteintes d’hypothyroïdie subclinique (TSH légèrement élevée, T3 et T4 normales).

Pendant 8 semaines, les participants ont pris 600 mg par jour d’un extrait de racine standardisé à 5 % de withanolides. À l’issue de l’essai, la TSH aurait diminué de façon significative, et les taux de T3 et T4 auraient augmenté dans le groupe ashwagandha, en comparaison au groupe placebo. Aucun effet secondaire grave n’a été rapporté dans cette étude.

D’autres observations soutiennent ces résultats. Une étude sur des rats hypothyroïdiens (Abdel-Wahhab et al., 2019) a montré qu’un extrait d’ashwagandha aurait été associé à une normalisation des taux hormonaux et à une potentielle réduction de certains marqueurs du stress oxydatif.

Autre point important : chez des patients euthyroïdiens, c’est-à-dire sans trouble détecté de la thyroïde, aucune modification marquée n’a été constatée après 8 semaines de supplémentation (Gannon et al., 2014). L’ashwagandha ne semblerait pas affecter la thyroïde normale, ce qui renforcerait l’idée d’un possible effet contextuel, uniquement chez ceux qui présentent une forme légère de ralentissement hormonal.

Effets sur l’hyperthyroïdie

Plusieurs cas cliniques auraient rapporté l’apparition d’une thyrotoxicose (excès d’hormones thyroïdiennes) chez des personnes ayant consommé de l’ashwagandha sur une durée très prolongée. Par exemple, Kamal et al. (2022) décrivent le cas d’une seule femme de 73 ans ayant pris ce complément pendant deux ans, et présentant ensuite tachycardie, TSH effondrée et taux de T3 très élevés. À l’arrêt de l’ashwagandha, les symptômes ont disparu.

D’autres cas similaires auraient été signalés (Martinez-Pitre et al., 2023 ; Surampudi et al., 2005). Impossible d’affirmer si c’est l’ashwagandha elle-même ou une contamination des produits par des hormones exogènes, mais les effets biologiques rapportés sont bien réels. Par précaution, les professionnels de santé déconseillent formellement son usage en cas d’hyperthyroïdie ou de suspicion de fonctionnement thyroïdien trop actif.

Bienfaits de l’ashwagandha pour la santé thyroïdienne

À la lumière des données disponibles, l’ashwagandha pourrait contribuer à améliorer certains paramètres thyroïdiens chez des personnes présentant une hypothyroïdie subclinique, selon les résultats de l’étude de Sharma et al. (2018). Cette amélioration hormonale pourrait, en théorie, atténuer certains symptômes associés au ralentissement thyroïdien, comme la fatigue ou la difficulté à perdre du poids.

Le lien entre stress chronique et dysfonction thyroïdienne étant bien documenté, on peut également envisager que l’ashwagandha, via sa potentielle action sur la réduction du cortisol (documentée dans d’autres études sur le stress), soutiendrait indirectement la thyroïde dans certaines conditions. De même, ses potentielles propriétés antioxydantes observées in vivo pourraient limiter certaines altérations du tissu thyroïdien (Abdel-Wahhab et al., 2019), mais cela reste à démontrer chez l’humain.

Intégration de l’ashwagandha dans son quotidien

Un complément alimentaire ne se prend jamais à la légère. Si l’ashwagandha vous intéresse, il ne suffit pas d’en prendre “un peu tous les jours” et d’espérer des résultats. Il faut prendre en compte: La forme, le dosage, le moment de la journée, la durée de la cure et votre profil hormonal.

Comment utiliser l’ashwagandha ?

La racine d’ashwagandha peut être utilisée sous forme de poudre brute (à mélanger dans une boisson chaude, un smoothie ou une compote), de gélules d'ashwagandha, ou encore d’extraits standardisés. C’est cette dernière forme qui a été utilisée dans l’étude de référence sur l’hypothyroïdie subclinique (Sharma et al., 2018).

Le moment de la prise est à adapter. Certaines personnes trouvent l’ashwagandha stimulante, d’autres calmante. Elle peut donc être prise le matin, ou le soir, selon le ressenti.

Et si vous êtes sous traitement thyroïdien ou sous surveillance endocrinienne ? L’usage de l’ashwagandha ne doit jamais être commencé sans validation médicale.

Dosage recommandé et précautions

Il n’existe aucune posologie universelle. Mais le protocole le plus documenté reste celui de Sharma et al. (2018) :

  • 600 mg/jour d’extrait de racine, titré à 5 % de withanolides,
  • pendant 8 semaines,
  • chez des personnes présentant une hypothyroïdie subclinique.

En dehors de ce contexte, la prudence est impérative. Chez une personne déjà sous traitement, cela pourrait nécessiter un réajustement des doses de Lévothyrox, par exemple.

Et surtout, ne jamais associer plusieurs plantes sans réflexion. Leur cumul pourrait accentuer certains effets hypotenseurs, sédatifs ou hormonaux, sans qu’on puisse en prédire les conséquences exactes. Aucune étude ne valide ou n’exclut ces interactions.

Effets secondaires potentiels

Dans l’essai de Sharma et al. (2018), aucun effet secondaire grave n’a été observé avec l'ashwagandha. Un ou deux cas de gêne digestive légère ont été rapportés, sans interruption du traitement. De même, chez des patients euthyroïdiens (Gannon et al., 2014), aucun symptôme notable n’a été documenté malgré une hausse modeste de T4 chez certains sujets.

Mais les données de cas réels racontent une autre histoire. Au moins trois cas de thyrotoxicose ont été publiés suite à une prise prolongée d’ashwagandha chez des personnes sans surveillance médicale (Kamal et al., 2022 ; Martinez-Pitre et al., 2023 ; Surampudi et al., 2005). Palpitations, perte de poids rapide, TSH effondrée : la plante n’a rien d’inoffensif si elle est mal utilisée.

D’autres publications signalent aussi de rares cas d’hépatotoxicité présumée, avec augmentation des transaminases ou atteintes hépatiques plus sérieuses (Wicinski et al., 2023). Même si ces cas restent exceptionnels, ils rappellent une règle simple : ce qui agit peut aussi déséquilibrer.

L’ashwagandha est déconseillée chez la femme enceinte ou allaitante, chez l’enfant, et chez toute personne atteinte d’une maladie auto-immune active, sauf suivi médical strict.

Interactions avec d’autres plantes et médicaments

La vigilance est de mise, surtout en cas de polymédication. Voici les interactions principales recensées ou suspectées :

  • Lévothyrox : des études ont montré que l’ashwagandha modifie les taux de TSH, T3 et T4 (Sharma et al., 2018). Une interaction pharmacodynamique est donc possible : l’effet du médicament pourrait être accentué, nécessitant un ajustement de dose.
  • Traitements sédatifs ou anxiolytiques : l’ashwagandha peut potentiellement renforcer leurs effets, en raison de ses potentielles propriétés calmantes chez certaines personnes.
  • Immunosuppresseurs : en raison de son potentiel effet immunostimulant, l’ashwagandha est déconseillée en cas de prise d’immunosuppresseurs, y compris en post-transplantation ou en cas de traitement pour maladies auto-immunes.
  • Plantes adaptogènes (rhodiole, éleuthérocoque, schisandra...) : pas de données formelles d’interaction, mais effets cumulatifs possibles, notamment sur le cortisol, la tension artérielle ou la vigilance.

Autres remèdes naturels potentiels pour les troubles thyroïdiens

Certains micronutriments et plantes sont régulièrement évoqués dans la littérature scientifique ou les traditions médicinales pour leur rôle potentiel dans le fonctionnement thyroïdien. Il ne s’agit que de pistes bien sûr.

  • L’iode est un élément structurel à la synthèse des hormones T3 et T4. Toutefois, en cas de thyroïdite auto-immune (comme Hashimoto), un apport excessif pourrait aggraver l’inflammation. Une supplémentation ne doit jamais être entreprise sans bilan sanguin préalable.
  • Le sélénium est étudié pour son probable rôle dans la conversion de T4 en T3 et pour ses possibles propriétés antioxydantes. Certaines revues mentionnent une corrélation possible entre statut en sélénium et fonctionnement thyroïdien, notamment en cas de thyroïdite auto-immune. Mais aucun bénéfice clinique n’est démontré avec certitude.
  • Le zinc, cofacteur de nombreuses enzymes, est souvent évoqué pour sa possible participation au métabolisme général, y compris hormonal. Toutefois, aucun effet direct validé sur la thyroïde n’est actuellement reconnu.
  • Côté plantes, la mélisse, la valériane ou le guggul sont parfois mentionnées dans les traditions ayurvédiques ou phytothérapeutiques. Leur usage repose sur des hypothèses empiriques ou des effets observés in vitro. Aucune étude clinique robuste ne permet aujourd’hui d’en recommander l’usage dans les déséquilibres thyroïdiens.
Sources
  • Sharma, A. K., Basu, I., & Singh, S. (2018). Efficacy and safety of ashwagandha root extract in subclinical hypothyroid patients: A double-blind, randomized placebo-controlled trial.
  • Abdel-Wahhab, M. A., El-Shamy, S. M., El-Nekeety, A. A., Hassan, N. S., & Mohamed, S. R. (2019). Potential role of ashwagandha extract in ameliorating hypothyroidism-induced oxidative stress and hormonal imbalance in rats.
  • Gannon, J. M., Forrest, M. L., & Akhtar, S. (2014). Impact of Withania somnifera on normal thyroid function: A randomized, placebo-controlled pilot study.
  • Kamal, A., Alharbi, A. F., & Khan, N. (2022). Ashwagandha-induced thyrotoxicosis: A case report and review of the literature
  • Martinez-Pitre, J. L., Moon, M. R., & Zuckerman, L. M. (2023). Supplement-induced thyrotoxicosis: A case of herbal medicine-related adverse effects.
  • Surampudi, V., Cheriyath, P., & Burra, S. (2005). Thyrotoxicosis caused by ashwagandha supplementation: A case report.
  • Wicinski, M., Brzezinski, M., Malinowski, B., Grześk, G., & Grześk, E. (2023). Hepatotoxicity associated with ashwagandha supplements: A systematic review.

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